Être psychologue en TSE et pouvoir s’en sortir !!…

Dans cet article, je pourrai vous proposer une vignette clinique, un exemple d’accompagnement que je peux réaliser dans mon exercice professionnel. Détailler les symptômes, évoquer des conditions de travail délétères, des difficultés relationnelles et des valeurs professionnelles heurtées et qui font souffrance. Ca je saurai le faire. Car je suis psychologue. Une psychologue du travail dans un service de santé au travail en milieu hospitalier. 

Mais s’engager dans un parcours de praticien en thérapies brèves au sein de l’Institut Way Inside, suppose de déposer ce raisonnement, de briser cette cartographie que je me suis, au fil des années, construite, façonnée pour être suffisamment bonne dans mon métier (enfin dans l’auto-évaluation et le retour des autres que j’ai pu réaliser bien évidemment !). Cette cartographie qui me rassure et fait gage de mon identité professionnelle.

Ainsi, cet article ne parlera pas d’une situation précise et particulière car il a un autre horizon, une autre motivation. Il ne s’agit pas ici de répondre à la question du pourquoi, mais de porter un regard sur un état de fait, une situation, un arrêt sur image de ce qui se passe à un moment donné chez l’autre ou chez soi. En effet, cette formation je l’ai fait sur moi, avec moi mais aussi avec les personnes que j’accompagne au quotidien. Cet arrêt sur image a quelque chose d’étrange et déroute autant qu’il attire ma curiosité. Mais en même temps il reflète tous les sentiments, les émotions et les états qui m’ont traversé tout au long de cette formation. Alors, je vais essayer de livrer un pêle-mêle de mes vécus, parfois en passant par mes ressentis et décrire les apprentissages réalisés durant ces 9 jours de formation au sein de l’institut Way Inside. Ce partage de mon vécu se fera au travers de la sensorialité car elle est au cœur de ce parcours certifiant.

Ainsi, je vous propose de m’accompagner dans ce retour sur moi, sur soi et sur les autres ; retour qui n’a rien d’exhaustif et qui n’est que le reflet de ce que j’ai parcouru durant sur cette temporalité.

Ce qui s’est joué pour moi tout au long de cette formation n’a pas été simple voir parfois bouleversant. Me questionnant à de nombreuses reprises sur mon choix : qu’est-ce que je fais là ? pourquoi j’ai choisi cette formation ? J’ai souvent pu exprimer qu’il m’a fallu poser mon cerveau « formaté » de psychologue pour pouvoir me libérer et aborder le contenu de cette nouvelle technique d’entretien. Cela m’a demandé de regarder autrement, voire de repenser complétement ma pratique avec cette simple question: « quoi ça fait dans ton corps ? ». Cette petite phrase si importante en Thérapie Solutionniste Expérientielle (TSE) a tellement été déroutante. D’une part par sa construction syntaxique qui interpelle (on ne dit pas quoi, mais qu’est-ce que ?) mais également par le sens de cette question (qu’est-ce qu’il veut dire par là ?). Mais face à l’expression forte des formateurs de leur positionnement et de leur croyance autour de la légitimité de cette question, j’ai décidé de les suivre… et de me laisser embarquer dans cette expérience. 

Quoi ça fait dans ton corps ?

Cette question fait sortir du langage, de la question du pourquoi pour revenir à quelque chose d’essentielle et de tellement universel : le corps et l’ensemble des sensations, émotions et ressentis qui lui sont associés. Car oui parler de la sensorialité requiert de regarder le non verbal ; ou plus exactement nécessite d’appréhender comment le langage non verbal peut venir expliciter ou compléter notre langage verbal.  La TSE implique de revenir vers soi, dans ce que nous avons de plus primitif et dont nous avons progressivement perdu l’utilité de regarder. Reconnaître, accueillir et accepter nos émotions et tout ce qui peut traverser notre corps de manière générale est précieux ; nous permettant de maintenir une cohérence et de se sentir aligné avec ce que nous sommes. En définitive, il s’agit de re-trouver ou re-chercher parfois ce qui constitue nos forces mais également nos ressources individuelles. 

C’est donc de cela qu’il va s’agir dans cette formation de thérapeute en thérapies brèves. Un axe avec une dimension particulière centrée sur soi, sur l’autre pour appréhender les difficultés et trouver les solutions subjectives qui conviennent. Car l’objectif est clair : il y a un problème il s’agit d’en trouver une solution : en quoi c’est un problème pour vous ? mais là où l’individu est dans une impasse à trouver des modalités de solution ou tout du moins des solutions efficaces pour lui, la TSE prend place. Par sa demande de redescendre dans la sphère de la sensorialité et par la recherche de ce qui est gênant, dérangeant, en traversant la question des valeurs les constructions des idées de solutions émergent. 

J’ai besoin de revenir un instant sur la question des valeurs. Car cette notion me semble être un second moteur pour parvenir à trouver une issue, une solution face au mal-être que chacun peut traverser à un moment de sa vie.  Une des définitions du terme valeur est celle-ci : « il s’agit d’une qualité qui confère aux choses, aux faits ou aux personnes une évaluation soit positive, soit négative » (Larousse). Au travers de mon activité professionnelle, cette notion me paraît centrale notamment lorsqu’on accompagne des personnels soignants, aux consciences et valeurs professionnelles fortes. En effet, dans les situations de souffrance au travail la seule chose qui reste aux patients c’est eux. Eloignés du travail, de leur sphère sociale, déséquilibrés dans leur sphère familiale, ils ont perdu tout sens au travail et toute estime d’eux-mêmes. Il ne reste plus que leur corps et ce flou émotionnel et /ou cognitif face à ce passage à vide qui ne correspond à rien à ce qu’ils ont déjà connu (« ça va durer longtemps ? », « je ne comprends pas ce qu’il se passe en ce moment »), ni à ce qu’ils sont (« ce n’est pas moi », « je ne suis pas comme ça d’habitude »).

Depuis plusieurs années, j’axe ma pratique autour de la réappropriation émotionnelle et corporelle. C’est-à-dire favoriser une nouvelle compréhension de ce qu’il se passe pour l’individu dans cet état de chamboulement total où la capacité à décrypter ce qui se passe à l’intérieur de soi est mis à mal. Ainsi, il s’agit de verbaliser autour des sensations, des émotions et de mettre des mots, des noms sur ce qui arrive ; reconnaître, accueillir et accepter les émotions et les ressentis corporels. Pour les rendre légitimes. Il est légitime de se sentir fatigué, vidé quand on s’est épuisé au travail ; il est légitime de se sentir en colère ou complétement désemparé lorsqu’on se trouve pris dans un conflit relationnel. Cela n’est pas anormal. Rassurer. Replacer des repères là où tout est ébranlé.

Si l’on en revient à ce qui nous intéresse, à cette question de l’entretien solutionniste expérientiel, il favorise la centration sur ce besoin à soi quand aucune autre issue n’existe. Appréhender la question des besoins pour soi, ce qui est nécessaire pour la personne tout en encourageant une reconnexion entre le corps et la dimension psychique émotionnelle. Mais parfois cette connexion est perturbée par des ruminations, des pensées en boucle qui empêchent la reconnaissance des émotions et de ce fait une reconnexion avec soi. Ainsi, la TSE a une astuce : le vacillement !

Là où la personne n’est plus active, car prise dans ses tourments sans fin, le vacillement vient redonner une capacité d’agir. Cette technique, prend l’allure d’une provocation, ou d’une phrase emprunte d’humour mais qui vient dédramatiser, stopper ce qu’il se passe pour la personne, qui vient rendre compte du caractère étonnant de ce qui se passe pour la personne.

Si cela fonctionne, le thérapeute peut proposer un nouveau chemin au patient lui permettant de regarder autrement ce qui se passe pour lui ; envisager alors une possibilité d’élaborer une solution ou au moins un démarrage de construction de solution. Cette première étape installe ainsi un changement et commence à modifier la cartographie de l’individu qui recouvre une possibilité d’action.

Mais là où la technique déroute c’est ce mélange avec d’autres outils : déplacement mental dans le temps et l’espace, phrases hypnotiques et ancrage positif. En effet, en bonne psychologue j’ai un déroulé d’entretien très statique, en face à face. La TSE pousse à sortir de l’immobilité pour revenir…vers la sensorialité ! Et cela passe également par la mobilisation ; il ne s’agit plus que de mobilisation psychique mais aussi de mobilité physique ; la mobilisation par et grâce au corps. Ainsi la boucle est bouclée et la connexion corps/psychique est activée. L’exercice de la ligne du temps et toute la mobilisation de la projection mentale passée/future a été une grande expérience pour moi. Cela consiste à revenir sur différents évènements qui structurent notre histoire de vie en leur donnant une intensité émotionnelle.  Cela permet tout un travail autour de l’histoire de la personne sans y donner une attention « analytique », mais permet de déposer certains éléments nécessaires à l’élaboration d’un chemin de solution tant pour le thérapeute que pour le patient. 

La TSE est déroutante car elle propose un cadre multi-cadres ; mettant à la fois en mouvement le patient par les nombreuses sollicitations sensorielles, d’interrogations, de réflexions dans son histoire de vie tant passée, que présente mais aussi future (« montres moi c’est comment quand tu es comme tu aimerais être ! ») ; mais aussi le thérapeute qui doit avoir une attention multiple à cette sensorialité qui s’exprime par le corps ou qui est décrite avec des mots par le patient, et qui doit être acteur de la thérapie puisqu’il propose une tâche finale que le patient doit, s’il est d’accord, réaliser pour le prochain entretien. Il faut ici, en tant que thérapeute, faire preuve de créativité immédiate pour imaginer une solution intermédiaire permettant au patient d’accéder à l’objectif fixé lors du premier entretien. Dans la TSE, le thérapeute est davantage acteur que dans la thérapie classique de face à face de mon point de vue. Tout est une question d’autorisation ! 

L’autorisation de ne pas être un psychologue dans le statique, mais dans le mouvement. Un psychologue en capacité de pouvoir expérimenter la provocation (dans la mesure où la confiance entre le thérapeute et le patient est là et où celle-ci respecte les limites du soin) ou de tester des outils créatifs issus des jeux de rôle ou de théâtre. Dans tous les cas, l’entretien solutionniste expérientiel encourage une posture où l’on peut oser, du moment où l’on est en accord avec qui on veut être.  

Et si c’était ça…

Être en accord avec nos besoins et permettre à l’autre, en tant que thérapeute, de l’être à son tour ? Être en accord avec son corps et sa tête ?

Reconnaitre, apprivoiser, accueillir et accepter ses émotions pour être complet ?

Être dans l’ici et le maintenant pour vivre ce qu’il y a à vivre et être pleinement conscient de ce qu’il se passe pour nous à ce moment bien précis ?

Bref on en sort indemne…ou presque !!

L’apport de cette nouvelle technique dans ma pratique au quotidien, c’est cette possibilité à pouvoir me faire changer ma carte du monde quand cela s’avère nécessaire ou utile en fonctions des accompagnements. 

Elle me permet aussi d’oser faire différemment. De sortir du carcan de l’entretien classique de la psychologie. Mais elle m’a aussi permis de valider mes intuitions. En effet, face à certains moments où je sentais qu’il fallait en passer par le mouvement parce que la sidération était trop grande ; aller plus loin dans la description de la sensorialité pour accéder à ce qui valait la peine pour le patient ; à ajouter du déplacement pour faciliter la verbalisation. 

Aujourd’hui, je peux faire autrement. Je peux être davantage en accord avec les besoins du patient en lui proposant des outils qui lui correspondent mieux. 

Bref, je suis toujours psychologue du travail. 

J’attache toujours une importance au pourquoi. 

Mais désormais vous m’entendrez régulièrement dire : « quoi ça fait en vous ? »

Bref, j’ai été stagiaire chez Way Inside…

Séverine FION

Psychologue du travail

Stagiaire Way Inside

Parcours Praticien en thérapies brèves 2020-2021