Pistes de travail en hypnose et le bégaiement
J’ai commencé à travailler avec l’hypnose dans ma pratique, cet outil m’a vraiment aidé avec certains de mes client.es. J’apprécie l’utiliser dans certaines situations qui me semblent pertinentes, car il entraîne deux choses, une curiosité intérieure et de la créativité. C’est une bonne amorce également pour d’autres types d’accompagnement ; comme la thérapie des états du Moi, car il peut aider à être curieux.se de son intérieur, si l’on travaille des protocoles vraiment agréables avec lea client.e, alors iel aura plus tendance à vouloir continuer à travailler avec son Moi. Cependant, j’ai bien saisi la subtilité de cet outil, outre que la fait que lea patient.e vient avec une demande spécifique qui peut être l’hypnose : l’on n’utilise pas l’hypnose simplement comme thérapie.
Je suis psychologue avant tout, là pour engager un travail, même si l’on est hypnothérapeute, il n’est pas pertinent d’engager un travail uniquement centré sur l’hypnose. Faire un protocole qui répond à la demande première n’est pas adéquat, et faire de l’hypnose parce que c’est la demande ne l’est pas non plus à mes yeux. Tout cela a un sens avec ce que je vais présenter. Nous avons pu travailler en formation que dans l’hypnose, et dans l’hypnose conversationnelle, il n’y a pas de « ou », mais du « et ». Ce que j’apprécie, parce que nous pouvons l’utiliser lorsqu’il y a des blocages, car cet outil rajoute de la fluidité dans le travail.
Justement, c’est en parlant de blocage que j’amorce cet article avec le bégaiement, parce que ce handicap moteur se traduit par des blocages. Après lecture des ouvrages de Bernadette Piérart, qui ouvre un intéressant dialogue autour des causes du bégaiement, au niveau cérébral, et surtout la pertinence d’un accompagnement au niveau thérapie cognitivo-comportementale ; j’ai aperçu également la pertinence de l’hypnose dans ce genre de handicap. Elle parle de l’utilisation de la métaphore comme si nous utilisons une piste de ski par exemple, qui serait une métaphore du langage. J’ai trouvé cette proposition attrayante, surtout pour un client en particulier.
J’ai rencontré ce client de 25 ans, peu après ma formation en hypnose, il avait déjà un suivi avec une autre psychologue, sa demande était clairement centrée sur l’hypnose, qu’il avait vécu une première fois quelques années plus tôt. Je pose mon cadre en expliquant, que l’hypnose est un outil que j’utilise lorsqu’il est nécessaire pour la mise en place de son objectif ; qu’il est également possible que j’utilise d’autres outils, mais que si c’est utile, je l’utiliserais. Je lui propose également de le réorienter vers d’autres professionnels qui répondront à sa demande. Il m’indique qu’il souhaite continuer le travail avec moi. Nous établissons ensemble, la problématique, qui est complexe ; s’emmêlent de nombreuses choses le bégaiement, ses causes et ses conséquences, ainsi que la question du contrôle.
Les choses qui peuvent revenir sont que le bégaiement est à la fois le problème, il engendre des problématiques professionnelles et personnelles qui ont un impact sur le client, sur son estime, sa confiance, etc. Il est également la solution, à une autre problématique, qui est celle du contrôle. Où le bégaiement a sa place, car c’est la seule chose qu’il ne peut maîtriser. Alors, de nombreuses questions peuvent venir dans ce genre de situation :
Nous pouvons nous demander dans un premier temps, qu’en est-il du bégaiement ? Peut-on vraiment dire que c’est déclenché, que cela a un facteur psychologique ou encore environnemental ? Est-il uniquement biologique ?
Ensuite, peuvent apparaître les questions concernant le travail thérapeutique, est-il utile ? Doit-on travailler sur le bégaiement ? Est-ce pertinent ? Ne devrions-nous pas nous centrer sur un travail de deuil ? Est-il intéressant de travailler les problématiques d’estime, par exemple, si le bégaiement vient mettre un frein ?
Enfin, nous arrivons à l’hypnose, en quoi l’hypnose est un outil nécessaire pour le bégaiement ? Doit-on répondre à la demande du patient directement avec de l’hypnose ? Quelles pistes de travail aborder si cet outil correspond à la stratégie adaptée ? Pourrait-on travailler d’autres domaines que le bégaiement avec l’hypnose ? L’hypnose, peut-elle aider des facteurs aggravant du bégaiement ?
Pour cet article, je centrerais donc ma réflexion autour de l’hypnose, étant donné qu’il correspond à cette demande. Je me suis donc centrée sur ce point, dans un premier temps. Qu’est-ce que je pouvais faire pour répondre à sa demande ? Était-elle adaptée ? Je disais précédemment qu’il n’est pas approprié de répondre directement à la demande. Dans cette situation, cependant, il faudrait voir si le bégaiement est un symptôme ou pas. Puis, l’un des soignants qu’il avait pu voir dans le passé avait utilisé l’hypnose, et il en avait tiré un réel bénéfice, ce qui me mettait en interrogation sur l’utilisation.
D’après les recherches actuelles, en me basant notamment sur les travaux de Piérart donc, le bégaiement n’a pas la même valeur s’il est présent dans l’enfance ou s’il devient chronique, s’il apparaît avant 6 ans ou après et s’il est la conséquence d’un accident. Les bégaiements dans l’enfance, avant 6 ans, sont plutôt des troubles du langage qui peuvent disparaître, tandis que ceux après 8 ans, ont plutôt tendance à devenir chronique. Lorsqu’un bégaiement devient chronique et persiste à l’âge adulte, il y a peu de chance qu’il puisse disparaître. Bien que les thérapie cognitivo-comportementales aient un réel incident sur l’amélioration.
Le bégaiement contrairement à ce que l’on pense n’est pas causé par le stress ou la peur, il est causé par une dérégulation des ganglions de la base que l’on retrouve dans d’autres pathologies telles que le syndrome Gilles de la Tourette, la maladie de Parkinson… (Jacques, Zdanowicz, 2018). Cependant le stress, la peur, les expériences négatives engendrées par le bégaiement, les moqueries amplifient les symptômes de bégaiement. Je ne vais pas m’étendre sur le sujet, étant donné que celui-ci est vaste. Ce qu’il reste important de préciser néanmoins, c’est que le bégaiement a un effet sur les aires du cerveau responsables du langage, de la compréhension et de la façon dont on s’exprime. Un de mes postulats à ce sujet est donc que la parole de l’autre et la sienne vont s’inscrire dans une discontinuité au niveau psychique, ce qui peut encore approfondir les blocages.
Ainsi, si je devais utiliser l’hypnose pour aider la personne dans son bégaiement, sur quoi devrais-je me tourner ? Quels seraient les protocoles pertinents, et également à quel niveau ?
Dans ce livre que j’ai pu lire, elle se tourne vers la métaphore donc. Cela est une réflexion très pertinente, les personnes qui bégaient ont une problématique au niveau de la fluence de la parole. Utiliser cet outil afin de permettre de travailler sur la continuité, c’est surtout cela. Cette continuité que nous mettrons en place, permettra donc d’agir de la même façon au niveau du psychisme. Finalement, cette métaphore, aurait un effet sur de nombreuses choses, et cette fluence verbale et donc psychique engendrerait une meilleure élaboration du travail hypnotique et psychothérapeutique proposé. Ce serait une bonne amorce pour nous rejoindre au niveau de sa demande et mon cadre.
Également, en discutant avec mon client, j’ai pris conscience de la difficulté pour lui de se regarder, de savoir quand son bégaiement est le plus intense, sur le moment, il va savoir qu’il bégaie, mais sera incapable de dire sur quel mot s’est arrivé, une fois la phrase terminée. Déjà cela, explique bien le blocage au niveau cérébral qui peut se produire, coupant l’élaboration du langage, ou encore le psychisme. Et nous remarquons aussi la conduite d’évitement, il ne souhaite pas voir, ne pas savoir. Nous pouvons percevoir la honte, à deux niveaux, il souhaite dans un premier temps, que ce bégaiement n’existe plus, continuer sa vie comme si ça n’avait jamais existé. La honte, c’est cela, faire comme si ça n’existait plus, vouloir le cacher. Dans un second temps, la honte s’exprime de par le fait qu’il n’a aucun retour sur un bégaiement présent dans sa vie depuis 17 ans, malgré des suivis avec des orthophonistes et médecins. J’avais donc pensé à l’utilisation d’un observateur intérieur, pour prendre conscience des moments/le sujet où le bégaiement va être plus présent, afin que nous puissions travailler sur ce dont il a besoin à ce moment-là. L’utilisation de la dissociation permet de mettre une distance entre ce qui est complexe pour lui de vivre, et, ce dont nous avons besoin.
Comme nous le remarquons souvent, le bégaiement de certaines personnes ne se retrouve pas dans certains domaines de la vie. Notamment lorsque l’on chante, ou joue du théâtre, que l’on parle avec soi-même, à un petit-enfant, ou encore un animal. J’ai pu confirmer ces éléments auprès de mon client, cela m’a donc permis de réfléchir à la question de l’hypnose conversationnelle. Si l’on prend le postulat que dans le chant ou le théâtre, c’est l’apprentissage d’un texte déjà écrit qui facilite donc la parole et donc le bégaiement, créant la fluidité. Qu’est-ce qui fait que pour un animal ou soi-même, c’est différent ? Finalement, l’hypnose conversationnelle, c’est faire un entretien où le « ou » est remplacé par le « et ». Et où l’on se centre sur soi, donc c’est assez similaire à une conversation avec soi-même.
Dans ce cas particulier, d’autres domaines pourraient être travaillés avec l’hypnose, le mouvement par exemple est un bon exemple. Lors d’un bégaiement, il n’y a pas que la parole qui se bloque, il y a également un mouvement, la mâchoire, le pharynx, etc. Une des préconisations de travail est le mouvement, voir son mouvement (avec un observateur interne d’abord, puis un miroir ensuite). En hypnose, il est possible d’engager un travail sur la douleur, pourquoi pas nous centrer sur le mouvement en utilisant certaines techniques que nous utilisons pour la douleur ?
Nous pourrions également travailler l’estime de soi, la confiance avec des protocoles tels que le renforcement du Moi, des ancrages, des suggestions pour améliorer l’estime de soi, les mains qui travaillent seules etc.
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