Interview Franck Musart – Professeur, formateur, praticien en thérapies brèves et hypnose à Pau (64)

Pouvez-vous nous préciser votre parcours et la vision de votre pratique ?

 
En tant que que professeur et directeur, j’ai toujours été passionné par l’humain. D’abord au sein des établissements scolaires où j’ai aidé de nombreux enfants à développer le meilleur d’eux-mêmes et à exploiter leur potentiel. Par la suite, convaincu que la confiance en soi, l’équilibre émotionnel, la gestion du stress étaient des leviers essentiels pour réussir et s’épanouir, je me suis intéressé au développement personnel, aux neurosciences et j’ai ouvert mon cabinet de coaching. Partant du constat que chaque personne possède un fort potentiel d’évolution et d’épanouissement, je me suis tourné vers les thérapies brèves et l’hypnose.

A travers mon expérience professionnelle de professeur, j’ai pu me rendre compte que chaque enfant possède des intelligences et des ressources pour surmonter ses difficultés, pour peu qu’il bénéficie d’un climat sécurisant et d’un accompagnement humain. Une écoute attentive, un regard bienveillant, une confiance permettent à l’enfant de se connecter à ses propres ressources. Avec un enfant en difficulté ou en échec scolaire, je commençais toujours par « une cure de réussite ». Au lieu d’insister sur les difficultés, les erreurs, les fautes d’orthographe, je mettais en lumière les réussites de l’enfant et ses talents. Quand l’enfant réussit, quand c’est ludique, quand un adulte croit en lui, la motivation et la confiance reviennent rapidement. Il suffit, à un moment donné de sa scolarité, de lui « sortir la tête de l’eau » et d’arrêter la spirale de l’échec.

Ma vision de ma pratique en thérapies brèves avec les adultes reste la même : augmenter et utiliser ce qui est, en zoomant sur ce qui marche. Le chemin pour retrouver ses ressources, pour certains adultes, est parfois plus long et plus sinueux.

Comment définissez-vous l’approche thérapie brève solutionniste ?

Dans l’approche solutionniste, on crée avec le client des solutions et on les vit dans le présent. Le client a juste à mobiliser ses ressources présentes. Le client a déjà tout en lui. La confiance, il l’a déjà, même si elle ne se manifeste pas dans certains domaines, comme par exemple prendre la parole en public, alors que la même personne est capable de faire un concert devant 200 personnes. Le fumeur est déjà un non fumeur.

Le fumeur a été un non fumeur et une partie de lui reste non fumeur. Le fumeur doit juste se reconnecter à cette partie non fumeur et la faire grandir. Dans l’approche solutionniste expérientielle du Docteur Guillaume Poupard que je pratique dans mon cabinet, je fais vivre au client ce qu’il veut vivre par la sensation et le corps. Les gens changent en faisant des expériences dans et en dehors de mon cabinet.

Comment cette thérapie diffère-t-elle d’autres formes de thérapies plus traditionnelles ?

Dans les thérapies brèves, je mets l’accent sur ce qui fonctionne en vous, c’est à dire vos ressources, vos solutions, même si cela reste des exceptions. Dans une approche plus traditionnelle, l’accent est d’abord mis sur les problèmes, les symptômes (boulimie, énurésie, dépression). De même, je porte toute mon attention, non pas sur les causes d’un problème et sur le passé de l’individu, comme dans les thérapies traditionnelles, mais sur le présent et le futur. Quand une personne vient me voir pour un problème de sur-poids, je ne recherche pas les causes dans son passé (une mère dépressive, un père absent…) car il n’est pas nécessaire de comprendre et de connaître les causes de son problème. Comprendre un problème ne fait pas changer les gens. De nombreuses personnes ont compris pourquoi elles sont violentes à l’âge adulte, pourquoi elles manquent de confiance en elles mais pourtant elles
continuent et le problème persiste. Comprendre les choses ne fait pas changer. Comprendre rend intelligent et donne du savoir. Pour faire changer les choses, il faut faire différemment. Et pour faire différemment, je prescris à chaque séance des tâches à réaliser pour ne plus faire pareil et faire bouger le système de la personne.

Sur quel outils vous appuyez vous ? Quelle est votre stratégie ?

A la première séance, je m’appuie sur un entretien solutionniste (issu des travaux de jong,Berg, De Shazer). C’est une grille de travail avec un questionnement très précis. J’avance dans les questions au rythme de la personne. Il faut parfois prendre du temps et reformuler les questions pour bien comprendre ce qui se passe à l’intérieur de la personne. Je peux revenir en arrière si besoin pour éclaircir une question mais il est important de ne pas changer l’ordre des questions.

Le questionnement solutionniste a pour but de bien comprendre le processus de l’individu, le système qu’il a mis en place. Quand une personne est triste, par exemple, ou a des sensations négatives, elle va se mettre à manger ou à fumer. Quand une personne veut prendre son temps et avancer à son rythme, elle va faire échouer ses projets quand cela ne respecte pas son propre rythme. Le questionnement solutionniste focalise sur les exceptions, c’est à dire le moment où le problème n’existe pas ou peu. Par exemple, on demandera à une personne qui manque de confiance : « Décrivez un moment où vous avez confiance en vous » ou « Y’a-t-il des moments où le problème n’est pas là, est moins intense ». Le principe est de montrer à la personne que la solution est déjà en elle, qu’il suffit de la reconnaître, et de la réactiver dans le corps, dans les sensations, par une expérience vécue. Je m’appuie alors sur la question miracle « Supposez que cette nuit, il se produise un miracle et que votre problème soit résolu » pour faire vivre dans le présent l’état souhaité.

Enfin, pour installer le changement dans le corps et faire bouger le système, je prescris, après chaque séance, des tâches à réaliser, des expériences à faire, des rituels à installer. Pour une personne ayant le tract pendant les réunions de travail, par exemple, je lui demande d’annoncer d’entrée à son auditoire qu’elle manque de confiance et d’expérience. Pour une personne qui souffre de crise d’angoisse, je peux lui demander de se réveiller à 3H du matin à chaque fois qu’elle a une crise d’angoisse dans la journée et de nettoyer entièrement sa salle de bain à la brosse à dent. Chaque tâche est une expérience qui va permettre de faire bouger le processus de la personne. Chaque tâche est une étape pour atteindre son objectif (prendre la parole en public, avoir moins de crise d’angoisse).

Les thérapies brèves solutionnistes s’adressent-elle à tous les publics ou bien la recommandez vous à un public plutôt qu’à un autre ?

Les thérapies brèves solutionnistes s’adressent à tous les publics (enfants, adolescents, adultes, personnes âgées, famille) et s’étendent à des domaines variés (éducation, soin psychique et médical, management, relation d’aide, coaching). La thérapie peut être individuelle ou collective (thérapie brève de groupe au sein d’une entreprise ou d’une institution). Les indications les plus pertinentes sont les addictions, les dépressions, les traumatismes, les phobies. Chaque approche thérapeutique est pertinente et permet de soigner les patients. C’est à la personne de faire le choix de la thérapie qui lui convient le mieux.

Si vous souhaitez vivre une expérience agréable, légère, ludique, facile et si vous souhaitez vivre dans votre corps les changements, je vous recommande les thérapies brèves solutionnistes et expérientielles enseignées par le Docteur Guillaume Poupard. C’est cette thérapie que je mets en pratique dans mon cabinet.

Et pour les enfants que vous avez côtoyés pendant de longues années ?

J’utilise beaucoup les thérapies brèves avec les enfants car c’est une thérapie ludique, légère, agréable qui convient parfaitement à leur développement. J’adapte le langage mais la méthode reste la même. Au lieu de dire « En quoi c’est un problème que les autres élèves se moquent de toi ? », je lui demande « Qu’est ce qui se passe dans ton corps, dans ton coeur, dans ta tête quand un enfant se moque de toi ». J’utilise aussi beaucoup l’humour avec les enfants pour dédramatiser la situation et installer une relation de confiance.

Intégrez vous l’hypnose dans vos pratiques et, si oui, pour quelles raisons ?

L’hypnose est un état modifié de conscience. Je suis là dans le cabinet assis sur ce fauteuil et en même temps, je ne suis pas là car mon esprit est ailleurs. Dans les thérapies brèves, l’état d’hypnose est présent dès le début de la séance. Quand je demande au patient d’imaginer la solution miracle, il plonge dans un état d’hypnose. Il est présent dans mon cabinet et son imaginaire est ailleurs, en train de vivre un état avec son problème qui n’existe plus. Quand je lui demande de communiquer avec les différentes parties présentes en lui (par exemple, la partie fumeur et la partie non fumeur), il est en état d’hypnose. Quand je lui demande de visualiser un futur positif, il part en état d’hypnose. Bref, l’hypnose et les thérapies brèves sont à mes yeux très complémentaires.

Quand une personne vient me voir pour faire de l’hypnose, je commence toujours ma séance par l’entretien solutionniste afin de bien comprendre son processus. La compréhension du processus me permet de mettre en place une stratégie thérapeutique et des outils en hypnose pour atteindre l’objectif demandé par la personne.

Quand une personne vient me voir pour un accompagnement en thérapie brèves, j’utilise l’hypnose comme un outil parmi d’autres outils à ma disposition. Je peux utiliser, par exemple, la méditation, la visualisation, la respiration, l’auto-hypnose, la Ritmo (équivalent de l’ EMDR), le sport , les activités artistiques, la pédagogie, la sophrologie….

Combien de séances préconisez-vous afin d’arriver à un résultat positif ?

L’école de Palo Alto, à l’origine des thérapies brèves, s’était fixée un objectif de 10 séances maximum pour l’accompagnement d’un patient. Pour citer Cummmings, je dirai le client « aura le nombre de séances et le rythme dont il a besoin : ni plus, ni moins ».

Pour installer le changement et atteindre un objectif, nous avons besoin de temps. Quand le changement s’installe, nous avons besoin aussi de le soutenir car la rechute est possible. Le changement peut être très rapide (moins de 5 séances). Le changement est inévitable, à partir du moment où le client se met en mouvement et engage le premier pas.

Êtes-vous prêt à faire le premier pas ?

Propos recueillis par Thomas Camus, journaliste « free lance » à Jugeote Bordeaux.

Bibliographie
  • Les thérapies brèves, Guillaume Poupard, Virgile Stanislas Martin, Armand Colin, collection 128
  • Changer, Bill O’Hanlon, Édition Satas, collection le Germe.