PROTECTION DE L’ENFANCE, LE PSYCHOLOGUE, ET HYPNOSE ?

La protection de l’enfance en France et plus précisément les mesures d’Assistance Éducative en Milieu Ouvert ordonnées par le juge des enfants, ont pour référence l’article 375 du code civil. Il s’agit d’effectuer travail psycho-éducatif auprès d’un ou plusieurs enfants d’une famille au sein de laquelle une notion de danger pour un mineur au sens de l’article de loi est établie, définie ; maltraitances physiques et psychologiques, carences hygiène et soins, isolement et difficultés sociales….

Ce travail d’assistance a pour finalité de permettre aux enfants de grandir au sein de leur milieu naturel dans un contexte familial, relationnel, social qui réponde de façon adaptée à leurs besoins.

L’ordonnance judiciaire de la mesure d’AEMO comporte dans sa rédaction des axes de travail définis par le magistrat devant contribuer à « solutionner » un ou des problème(s) défini(s), et d’une façon globale apporter une évolution, un changement. Cette mesure est également déterminée pour une durée précise, en général une année reconductible par le juge des enfants lors d’une audience.

Le psychologue, au sein de la mesure d’AEMO se doit d’inscrire sa pratique dans le cadre des attendus du juge des enfants :

  • il contribue de part sa spécificité à un éclairage pluridisciplinaire prenant en compte la dimension psychique, un travail de réflexion et de construction de l’intervention éducative avec le travailleur social en charge de la mesure.
  • il propose aux membres de la famille, mineurs et/ou parent un accompagnement psychologique, psychique.

Ainsi, le psychologue d’AEMO s’attachant à la prise en compte de la dimension psychique doit contribuer au sein d’une famille à son changement afin de faire disparaître ou réduire le danger dans un délai imparti.

Mais qu’en est-il des familles, parents, enfants soumis à cette contrainte judiciaire ?

Dans ce contexte d’aide contrainte auprès des familles l’intervention du chef de service, du travailleur référent, et du psychologue est effective dès la première rencontre.

Au premier entretien la famille est conviée par ces professionnels afin de poser le cadre et construire l’intervention. Il s’agit dans le même temps de recueillir « l’ici et maintenant » des familles, « le là où ils en sont » et de croiser leurs attentes et demandes avec celles du juge des enfants selon le modèle systémique de l’aide contrainte construit par Guy HARDY. Ce croisement respectueux des attentes familiales est déjà stratégique, il permet de contractualiser l’intervention éducative au service des familles.

Et l’hypnose dans tout ça ?

Dans l’approche singulière de ces situations, l’hypnose solutionniste expérientielle propose un « modèle conceptuel » et une « technique d’intervention » particulièrement adaptée pour répondre aux attentes du Juge des enfants et à celles des familles.

D’un point de vue conceptuel, l’hypnose permet notamment au psychologue de sortir d’une conception centrée sur l’explication, la recherche de la causalité et de la dualité conscient/inconscient classiquement conflictuelle, où le regard se porte « en arrière » pour porter attention à partir de « l’ici et maintenant », sur la visée, l’objectif porté sur le devant, l’avenir.

Elle a pour présupposé que la compétence en terme de savoir faire et être, celle des familles, chère à Guy AUSLOOS, est existante et que les personnes possèdent déjà en elles toutes les ressources nécessaires pour dépasser leurs difficultés. Et ça tombe plutôt bien car le juge qui demande un changement du côté de la famille, présuppose donc que la famille, ses membres ont des ressources mobilisables.

Par ailleurs les problèmes soulevés dans l’ordonnance du juge sont vraisemblablement à prendre en compte comme un ou des symptômes de dysfonctionnement. La famille est donc appelée à se mobiliser aux fins de changement(s).

De même, l’hypnose solutionniste expérientielle a pour postulat que l’expérience, celle qui s’applique à l’intégralité de la personne, psyché et soma, ses parties conscientes, inconscientes, corporelles, sensitives, engendre le changement.

Ainsi, dès le premier entretien, l’expérience « d’un nouveau » est convoquée par le psychologue au travers une prise en compte globale de la personne dans ce qu’elle dit et pense certes, mais surtout dans ce qu’elle ressent en terme d’émotion, sensation corporelle et sentiment.
Au delà de la stigmatisation faite par les signalements, les diagnostics sociaux, éducatifs, et psychologiques voir psychiatriques, il s’agit d’emblée au cours de cette première expérience relationnelle avec les professionnels de proposer à ces familles, personnes d’expériencer lors de l’entretien une façon sensiblement différente d’être, de vivre… déjà un changement aussi subtil soit-il.

De plus, cette approche encore peu rependue dans ce secteur permet également un nouveau regard aux familles sur leur situation et dans la prise en compte de leur anamnèse en terme d’évènements souvent douloureux, traumatiques.

D’un point de vue plus technique, opérationnel, pour le psychologue, l’hypnose solutionniste expérientielle dans les prises en charges individuelles s’intègre aisément dans le cadre de la mesure d’AEMO quelque soit l’âge de la personne ; définition d’un objectif mesurable, délais, engagement et responsabilisation du « patient », mises en place d’une stratégie thérapeutique au regard d’un diagnostique processuel.
Bien entendu, la présentation du cadre et du modèle de référence à savoir l’hypnose ainsi qu’une vigilance quant à l’écologie de la personne précèdent toute prise en charge.

Pour le psychologue, qui a pour objet d’étude la psyché, et donc la structure psychique il s’agit en thérapie solutionniste expérientielle de travailler plus en amont sur le processus à l’œuvre à l’occasion de ce qui fait le symptôme ou encore le problème qui amène à la consultation.

Ainsi, la clinique, c’est à dire l’observation et l’écoute du patient, ainsi que l’entretien basé sur la recherche d’information donc semi directif, fondent une fois de plus l’intervention du psychologue dans ce qu’elle lui permet de percevoir ce que vit l’autre dans son entièreté, tête et corps.

L’anamnèse, si elle continue d’intéresser le psychologue dans cette approche, elle permet d’observer certes les évènements marquants, les croyances limitantes, mais aussi toutes les ressources d’ores et déjà présentes chez la personne et dans son environnement.

Discours, comportements, ressentis, émotions mais aussi les valeurs, aspirations, croyances contribuent à affiner la stratégie thérapeutique pour le patient comme il en serait d’un vêtement fait sur mesure.

Et, l’intérêt du travail sous hypnose est qu’il permet de convoquer en même temps conscient et inconscient pour un état d’hyper vigilance afin d’expérimenter dans l’ici et maintenant le changement.

D’autre part et selon une vision plus systémique, c’est aussi faire le pari que d’un changement naissent d’autres changements plus propices à la personne.

Psychologue depuis plusieurs années dans le champ de la protection de l’enfance, je souhaitais témoigner de mon expérience professionnelle avec pour outil théorique et pratique l’hypnose solutionniste expérientielle. Au regard de sa conceptualisation, de son cadre, et de ses modalités d’intervention, ce modèle répond à la demande de changement tant du côté du magistrat que des familles en difficulté (à minima d’être exposée à la « surveillance » du juge des enfants) et en souffrance pour lesquelles nous intervenons.

De plus, pour le praticien et cela est non négligeable, la posture est plus dynamique, positive ; il s’agit dans un cadre plutôt restrictif de créer, inventer, être vraiment avec, d’expérimenter aussi d’une certaine façon, et de vivre plutôt bien au delà du lot de difficultés et souffrance que nous accueillons chaque jour.

Catherine Fons, psychologue et psychothérapeute