Comment contribuer à une orientation professionnelle au moyen de l’hypnose avec la méthode de l’entretien ?

Solutionniste experientiel

  • Présenté par : Caroline DUHART pour l’obtention de la certification Communication Ericksonienne
  • Juin 2020

Introduction

 
Pour répondre à cette question, je souhaite m’appuyer sur une expérience vécue qui même si elle est subjective et valable à un instant « T », permet malgré tout de mettre en évidence un processus en situation réelle.

Petit retour en arrière, au mois de juin, je me suis rendue à Cezac dans un joli gîte pour assister à la seconde partie d’une formation sur la communication Ericksonnienne.

Au fil des apprentissages et des pratiques, la méthode de l’entretien solutionniste expérientiel (ESE) au moyen de l’hypnose a fait sens pour moi.

C’est toutefois, au cours de la dernière pratique que j’ai pu véritablement prendre conscience du lien qui pouvait exister entre l’ESE et ma pratique professionnelle…

Cette expérience m’a également permis de réaliser que ma représentation de l’accompagnement avait peu évolué avec le temps. Je n’ai probablement pas osé faire différemment par rapport à l’enseignement que j’avais reçu au cours de mes années d’étude. Je me demande ici, si cette forme d’émancipation que je m’accorde aujourd’hui, pourra-t-elle être pérenne dans le temps ? Pourra-t-elle avoir également une influence sur l’émancipation que je pourrais accorder aux autres ? Pour aller plus loin, oser être au plus proche de son désir pourrait-il contribuer à faire que l’autre soit au plus proche du siens ? A ce stade, ces questions restent bien entendu entières.

Pour finir, j’aimerais partager ici une expression issue de la clinique de l’activité qui m’est familière, à savoir : « rester coller à la glaise », ce qui signifie pour le professionnel : apprendre à s’ajuster au plus près de l’objet à appréhender (ici, il s’agit de l’objectif du patient), puis de guider et suivre l’individu dans la solution qu’il souhaite mettre en œuvre pour résoudre sa problématique du moment. 

Avant de raconter l’expérience de la pratique vécue à la fin de la formation, je vais revenir quelques instants sur mon rôle social et plus particulièrement sur mon activité professionnelle. 

Un rôle professionnel 

Je suis devenue avec les années psychologue du travail. Cette mission professionnelle m’a amenée et m’amène encore aujourd’hui à accompagner des personnes dans le cadre d’orientation ou de réorientation professionnelle. Le public accueilli est majoritairement adulte.

  • Dans l’orientation professionnelle, il s’agit d’accompagner la personne vers un métier qui pourrait correspondre à ses attentes. 
  • Dans la réorientation professionnelle, il s’agit plutôt d’accompagner une personne qui envisage de changer d’orientation professionnelle à la suite d’une expérience précédente qui s’est stoppé. Il peut s’employer également ici, le terme de reconversion professionnelle.

Dans cet exposé, nous nous focaliserons uniquement sur le public en reconversion professionnelle (car celui-ci est en rapport avec la pratique que je vais relater).

Le public en reconversion : la bifurcation 

Dans la reconversion professionnelle, la notion de bifurcation est centrale. Cette dernière peut être choisie ou subie. Dans la bifurcation choisie, l’individu décide de quitter son activité professionnelle, il est ainsi partie prenante de sa réorientation. Dans la bifurcation subie l’individu est contraint de quitter son activité professionnelle (le motif est extérieur à lui-même). La rupture peut être brutale ex : accident du travail, maladie professionnelle, ou progressive ex : pathologie de surcharge (TMS, RPS…) syndrome d’épuisement (Burnout, karoshi), violences pathologiques (mobbing,  harcèlement moral, physique…)

Ces bifurcations sont complexes à appréhender pour un individu. Quelles soient subies ou choisies, l’accompagnement est là pour apporter un soutien au sujet dans son avancée. Cet accompagnement propose de faire le point, de reconnaître le potentiel et les acquis de la personne pour lui permettre de ré-appréhender une projection possible vers une activité professionnelle future. 

Les bifurcations sont vecteurs d’incertitude et de stress pour les individus alors lorsqu’en sus l’activité professionnelle passée a été malmenée, la souffrance et la situation face à l’inconnu peuvent freiner la mise en action de l’individu.

Nous allons dès à présent proposer quelques explications sommaires de l’entretien solutionniste expérientiel au travers de l’hypnose avant d’appréhender notre exemple.

Qu’est-ce que l’Entretien Solutionniste Expérientiel ?

Traditionnellement, les méthodes thérapeutiques se centrent sur le problème. A la différence, ce dernier est centré sur le fait de « vivre la situation » pour le client. Selon l’ESE, le client a déjà toutes les ressources en lui pour résoudre sa difficulté. Il est toutefois immobile dans cette dernière. Ainsi, l’entretien expérientiel réactive le mouvement pour que le sujet  se reconnecter à ses forces. Le vacillement est un point central car il permet la réorganisation. En résumé, le client possède déjà tout en lui et le thérapeute est là pour le soutenir dans une amplification afin qu’il prenne conscience qu’il est possible pour lui de résoudre sa problématique. 

L’hypnose : un des outil de l’ESE

 « L’outil » utilisé ici sera l’hypnose à savoir un état modifiée de conscience spontanée qui permet d’accompagner la personne vers le subjectif.

Comment se met en place une séance de l’ESE  ?

A l’origine, une demande est formulée de la part du client, le rôle du thérapeute sera de recueillir et d’aller chercher de l’information. Le thérapeute organisera les informations collectées au moyen d’un index computationnel qui s’inscrit selon quatre composantes : 

  • les Comportements Externes (l’action)
  • Les Processus Cognitifs (la pensée)
  • Les États Internes (les émotions)
  • Les sensations (les ressentis corporels). 

Au fil de l’exposé développé par le sujet, il deviendra plus aisé pour ce dernier (par notamment une mise à distance) de déterminer ce qu’il souhaite précisément. 

Remarque : L’objectif du sujet est formulé affirmativement. Il est mesurable et réaliste, précis et contextualisé, écologique et  sous la responsabilité de l’individu. 

Par la suite, il lui sera possible d’associer des aspects de son objectif qu’il n’a pas l’habitude d’explorer au travers d’une séance d’hypnose pour finir à ce que ce dernier puisse en faire l’expérience la plus intense possible afin de se « désaliéner » de sa difficulté. 

Remarque : le thérapeute choisira ou créera la séance d’hypnose la mieux adaptée possible à la problématique. Chaque personne est unique et sa richesse se situe aussi dans sa différence. Le travail consistera à faire en sorte que l’individu puisse aussi s’accepter dans cette différence qu’il vit. 

Je vais dès à présent relater la pratique de l’ESE réalisée en fin de formation

Une expérience vécue 

Nous appellerons cette jeune fille « M », elle a moins de 30 ans et exerce la profession d’infirmière. Elle évoque son goût pour l’histoire du petit prince de Saint Exupéry. Elle aime le contact avec les animaux. Un soir, je la rencontre, elle caresse le chat de la propriétaire du gîte, je m’approche d’elle et elle me dit qu’elle est triste. Le lendemain lors de la fin d’un exercice d’hypnose réalisé avec elle, je m’approche et lui propose un geste tendre qu’elle refuse. Après réflexion, le lendemain je m’excuse de ma maladresse.

Lors du dernier exercice de la formation, nous nous retrouvons ensemble. Je suis la thérapeute elle tient le rôle du client. Je commence par lui demander ce qui l’amène à consulter. Elle évoque son souhait de se réorienter professionnellement. Elle est souriante mais toutefois, assez agitée, elle parle sans discontinuité. Je lui demande ce qui fait qu’elle souhaite changer d’orientation. Elle parle de son comptable qui n’arrête pas de la harceler pour le paiement des charges dont elle doit s’acquitter. Elle dit aussi ne pas arriver à s’en sortir financièrement malgré les nombreuses heures de travail qu’elle effectue. Je lui demande ensuite ce qu’elle souhaiterait conserver de son métier actuel pour le prochain. Elle répond qu’elle aime « aider les autres ». Cette phrase me fait revenir en mémoire, le souvenir d’un moment où, à table, elle avait raconté que plus jeune, elle aidait sa petite sœur à faire des réalisations en sable…

En écrivant ces phrases, je m’interroge sur le travail de la demande et l’objectif qui n’ont pas été ici véritablement creusés, notamment vérifier ce qui était le plus prégnant à changer pour elle : les conditions de travail (plus précisément la rémunération) ou l’intérêt au métier ?

Finalement, il a été convenu que son objectif serait de réfléchir à une nouvelle orientation professionnelle.

L’outil utilisé :  l’hypnose

Je lui demande de fermer les yeux (en feed back, il m’a été fait la remarque que j’avais omis de demander l’approbation de « M » pour ce travail).

1er scénario : se réapproprier le sol de la société

La première étape a été de « recentrer » « M » sur elle-même au moyen de ce qui pourrait s’appeler un processus de « réappropriation du sol de la société ». Une manière pour un individu de retrouver un sol sur lequel s’appuyer. L’individu dans cette posture incertaine peut se sentir isolé, coupé du monde, sa confiance en lui-même affectée appellerait semble-t-il un besoin à être rassuré. Pour ce qui concerne « M » cette approche a spontanément calmé son agitation et elle s’est soudainement « rassemblé » (la suivre a permis de passer du passé au présent). Cette impression évoquée a été à ce propos confirmée lors du feed back.

2ème scénario : « la machine à changer »

Par la suite, sa demande plus proprement dite de changement d’orientation comme un pont vers le futur a été mis en œuvre au moyen de l’outil : « la machine à changer ». Cette technique lui permettait de se projeter vers une nouvelle orientation tout en imaginant les effets que ce changement pouvait produire sur elle et sur les autres…  contribuant ainsi à l’aider à projeter mentalement l’apprentissage d’un nouveau comportement (ici le thérapeute guide pour passer du présent au futur). 

Je me suis rendue compte le lendemain que je n’avais pas proposé de Suggestion Post Hypnotique. La SPE est un petit pas que l’individu garde à sa portée pour se sécuriser et se sentir soutenu dans son évolution.

Ainsi cette situation m’a permis de réaliser que ma pratique professionnelle pouvait s’exercer autrement à savoir utiliser l’ESE lors de moment où  l’individu se sent bloqué pour passer d’un présent figé vers un futur possible.

Agir autrement professionnellement… mais comment ? 

Dans ma pratique professionnelle, je rencontre souvent des personnes qui souhaitent changer d’orientation professionnelle. Leur premier élan est une demande d’aide face à la difficulté qu’ils rencontrent. Ils disent fréquemment se poser de nombreuses questions dont ils ne trouvent pas la réponse. Ils sont souvent comme figés, immobilisés par une forme d’incapacité à agir. Ils disent se sentir perdus et demandent un soutien : « dites-moi le métier qui pourrait me convenir », « je n’ai plus de repère », « je ne sais pas quoi faire ». Les individus attendent du professionnel la solution du métier idéal (les critères retenus sont majoritairement : un métier intéressant, pérenne et bien payé).

L’individu en perte de repère et face à l’incertitude du moment, préfère remettre son destin entre les mains du professionnel qui semblerait pouvoir être à même de résoudre sa difficulté. Toutefois, cette demande dépersonnalise l’individu et ne peut être validée par un thérapeute de l’ESE. En outre, le travail d’orientation demande un engagement dans une démarche active et personnelle. 

En relation avec le professionnel accompagnant, l’individu travaillera sur ses intérêt au travail, ses valeurs au travail, ses conditions de travail souhaitées et non souhaitées, ses motivations extrinsèques et  intrinsèques au travail…). 

Le professionnel prendra aussi soin :  

  • de travailler les freins ;
  • de proposer des axes de réflexion et d’action ;
  • d’être à l’écoute de la souffrance de l’individu.

Un travail sur les compétences sera également indispensable pour aider la personne à la reconnaissance de ses acquis professionnels. 

Ces différentes étapes permettront à l’individu de réfléchir, d’agir et de verbaliser ce qu’il veut de ce qu’il ne veut pas ou plus. 

En amont,  si l’individu dans sa démarche est dans l’impossibilité de se projeter, la méthode de l’ESE sera d’un apport majeur pour débloquer la situation qui le fige dans sa mise en mouvement. 

Conclusion

En conclusion, je dirai que l’une des méthodes utilisées n’empêche pas l’autre, mais, il est important de ne pas mélanger les deux modèles. Il sera ainsi nécessaire pour le thérapeute de savoir ; de quoi parler et à quel moment en parler. Une première étape pourrait par exemple être l’Entretien Solutioniste Expérientiel notamment pour débloquer la situation rencontrée par l’individu puis, dans un second temps un travail sur les acquis de la personne, ses intérêts, ses valeurs au travail…pourront être mis en oeuvre. 

Je terminerais par une dernière phrase de citation notée dans l’ouvrage de la formation   : « C’est surtout quand je crois avoir raison sur le fond, que je dois soigner la forme ! ». 

Ainsi donc, j’espère pouvoir œuvrer dans ce sens mais aussi, savoir œuvrer dans une remise en question quand je n’ai pas raison.